Quand a-t-on commencé à parler de 3ème guerre mondiale, le 9 mai 1945, le lendemain de la capitulation allemande, ou le 3 septembre, après celle du Japon ? Une chose est sure, la guerre de Corée (1950-1953) prouve indiscutablement que la Seconde Guerre mondiale, pas plus que la 1ère, n’était la « der des ders ». Avec l’exacerbation des tensions entre USA et URSS (USA – Chine, aujourd’hui) la menace d’un nouveau conflit global pèse sur les populations comme une épée de Damoclès. Cette épée d’un nouveau genre, encore plus meurtrière et encore plus aveugle quand il s’agit de séparer population civile des forces armées s’appelle la bombe atomique.
Avec elle, la guerre froide va engendrer de nouveaux comportements et profondément marquer la culture de masse. Franchement, James Bond aurait-il eu le même succès sans elle ?
À partir d’aujourd’hui, la-fin-du-monde.fr vous propose une série d’articles sur cette guerre qui n’a jamais eu lieu et qui a pourtant fait couler beaucoup d’encre.
in « New-York 1997″
La 3ème guerre mondiale au cinéma, c’est tout d’abord un énorme paradoxe, si elle est souvent citée, de façon explicite ou pas, aucun film ne l’a jamais choisi comme sujet principal. Pas de “Jour le plus long”, pas de “Soldat Ryan” qui nous raconte les batailles entre armées américaines, Russes et/ou Chinoises. Le sujet représente certainement un mélange de cher/risqué/casse-gueule qui a visiblement refroidi les candidats. Une autre raison envisageable qui explique cette absence, c’est le caractère relativement infilmable d’un échange d’ICBM, dans sa phase finale – attaque/riposte – à part vue de l’ISS pas grand-chose à voir !
Les rares exceptions viennent plutôt de la TV, avec le très déprimant “Jour d’après” et “La 3ème guerre mondiale” une mini série de prestige de 1983 diffusé par NBC, ces deux films feront l’objet des parties 3 et 4 de ce dossier. Autres exceptions de vrais/faux documentaires anglais, « War Games » et « Threads » qui méritent également chacun un chapitre (2 & 3).
Ces préambules étant dernière nous et histoire d’organiser un peu le sujet, je vous propose un petit voyage dans le temps, rythmé, par les décennies et les films clés. Commençons en douceur par les années 50, en douceur, car 1945 est encore très proche et que la guerre n’est pas très « tendance ». La guerre froide, l’appellation est de Georges Orwell, va devenir de plus en plus concrète, avec bien sur la guerre de Corée et les avancées du complexe militaro-industriel – bombe A / Bombe H /…
« Le jour où la Terre s’arrêta » (1951) constitue certainement un des meilleurs exemples de ces films plutôt humanistes et qui sous couvert d’extra-terrestre permettaient d’exorciser une pression de plus en plus forte. Klaatu et son robot Gort viennent de l’espace pour transmettre un message de responsabilisation aux terriens : Attention à l’atome !
Avec « La guerre des mondes » (1953), la parabole est encore plus directe. Sous le couvert d’une adaptation du roman de H.G Welles, il s’agit en fait pour Hollywood de proposer une des premières tentatives de catharsis au public américain, en présentant une attaque directe du territoire national.
Mais c’est avec « Le dernier rivage » que le cinéma américain met plus franchement les pieds dans le plat et ce débarrasse des oripeaux de la parabole sci-fi. Certes, la 3ème guerre mondiale a eu lieu avant que le film commence, mais l’errance de ce sous-marin de l’US Navy et la vision des derniers jours de la race humaine que son équipage partage avec les habitants de Melbourne et particulièrement poignante et dramatique.
Les films des années 60 expriment assez clairement l’attitude ambiguë d’Hollywood vis-à-vis du sujet. D’un côté l’énorme potentiel dramatique d’un sujet qui touche littéralement tout le monde, de l’autre sentiment de malaise garanti, pas de happy-end possible et anti patriotisme de fait. Cette attitude se retrouve complètement dans la façon dont la Colombia va mettre en avant en 1964 la farce géniale de Stanley Kubrick, « Dr Folamour » tout en sabordant volontairement la carrière commerciale de « Fail Safe » de Sidney Lumet, qui constitue pourtant un des films les plus poignants de l’époque. À l’heure de la crise des missiles de Cuba et de l’assassinat de JFK, la major n’a pas trop d’envie de désespérer un public déjà durement éprouvé.
À noter également le traitement du sujet dans la série B, avec le cultissime « Panic in year zero » qui montre la transformation d’un américain moyen (Ray Milland) en survivaliste déterminé, limite fascisant, prêt à tout pour protéger sa famille.
L’atmosphère de l’époque est rendue de façon très humoristique par Joe Dante dans « Panique sur Florida Beach » ou un producteur de films Z (largement inspiré par William Castle) affole les populations en leur faisant croire que des Bombes A russes explosent au coin de la rue.
La pression se relâche un peu durant les années 70, il faut dire que le grand public américain à un peu la tête ailleurs, entre la guerre du Viet Nam, le scandale du Watergate, les otages de l’ambassade de Téhéran et le 1erchoc pétrolier pas trop de temps pour penser à l’apocalypse.
Mais les années 80 affichent clairement une nouvelle surenchère, certainement en lien avec le pic qu’atteint la guerre froide. C’est l’époque de l’accélération de la course aux armements, du durcissement des discours (l’URSS définit comme « l’empire du mal » par le président américain Ronald Reagan) et d’une méfiance grandissante vis-à-vis de la technologie. Les vilains de James Bond complotent tous pour déclencher la 3ème guerre mondiale comme Kamal Kahn dans « Octopussy » qui tente de faire exploser une base de l’OTAN. Le nationalisme reaganien trouve son apogée avec « L’aube rouge » qui voit une bande de teen-agers incarner la résistance à l’invasion des USA par des troupes soviéto-cubaines. Le tout emballé dans un scénario aussi propagandiste qu’un film sur la réalisation du plan quinquennal dans un kolkhoze d’Ouzbékistan. Et les superordinateurs du pentagone craquent sous les attaques du jeune hacker joué par Matthew Broderick dans « War Games ».
Le sujet commence également à dépasser cinéma et télévision pour toucher la pop par exemple, « 99 luftballons » de Nena et le superbe clip de Frankie Goes To Hollywood pour « Two tribes », ainsi que la BD « When the wind Blows » de Raymond Briggs.
Les années 90 permettent de souffler un peu, le rideau de fer est tombé, Francis Fukuyama a déclaré la fin de l’histoire, la pression semble un peu se relâcher. James Cameron viendra pourtant souffler sur des braises qui ne demandent qu’à être rallumées en offrant des visions dantesques d’apocalypse nucléaires dans « Terminator 2 ».
Le 11 septembre 2001 remet à sa façon les pendules à l’heure, comme le disaient la bande-annonce de « Goldeneye », « les ennemies ont changés, les menaces ont changés » et la fille de Tom Cruise (Dakota Fanning) qui assiste au rampage de Bayonne dans le remake de « la guerre des mondes » de Steven Spielberg demande à son papa : c’est des terroristes ?
Cette décennie voit également les jeux vidéo concurrencer durement le cinéma dans sa capacité à raconter des histoires. De ce point de vue, incarner un marine sortant d’un bunker situé en plein cœur de Washington en flammes pour aller batailler contre des commandos russes dans Call of Duty: Modern Warfare 2 constitue certainement une des expériences apocalyptiques les plus fortes de ces dernières années.
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